Intrigue n°2 ⚝ De l'autre côté du miroir.

Grimoire dans les mains, la sorcière était à la recherche de tout ce qui pouvait lui être utile. Depuis des jours, elle récoltait tout ce qui pouvait lui servir pour nuire à cette bénéfique qui avait osé lui prendre ce qu'elle avait de plus précieux dans ce monde : son frère. Potions, formules, objets magiques... Elle se préparait comme d'autres se préparaient à affronter une armée de sorciers ou de démons. Joyce avait ses raisons : d'une part, il était hors de question de la rater et d'autre part, il était hors de question de lui offrir une mort douce et rapide. Cette sorcière allait souffrir comme il se devait, comme elle, elle était en train de souffrir, comme son frère avait dû souffrir. Elle allait payer le prix de son acte. Et elle apprendrait juste avant son dernier souffle qu'elle avait fait la plus grosse erreur de sa vie en s'attaquant à elle.

Joyce avait déjà rassemblé bon nombre de formules et de potions. Elle avait déjà parcouru tous les endroits qu'elle connaissait à la recherche d'objets qui pouvaient lui être utiles, elle avait fouillé des dizaines de grimoires, elle avait préparé des dizaines de potions et appris des formules par coeur. La sorcière n'en dormait presque plus, ne se reposant que lorsque la fatigue était plus forte que tout le reste. Il fallait qu'elle soit prête, et cela à n'importe quel prix.

Après avoir recopié une énième formule, Joyce s'était remise à tourner les pages de ce vieux grimoire familial. Elle fut stoppée rapidement lorsqu'elle sentit quelque chose apparaître devant elle. Ses yeux se levèrent immédiatement et elle n'en crut pas ses yeux. Cette maudite sorcière avait donc décidé de venir l'attaquer ? Aussitôt, Joyce se redressa. Sourire aux lèvres, elle était heureuse de tenir enfin sa vengeance. Elle n'était peut-être pas aussi prête qu'elle aurait aimé l'être, mais ça suffirait. Il le fallait. Le monstre avait déjà eu son frère, hors de question qu'elle en finisse avec elle également. « Enfin. » lança la sorcière, contournant la table qui se trouvait devant elle pour ne plus laisser aucun obstacle entre elles. Elle prit une seconde pour observer son adversaire. C'était elle. Il n'y avait aucun doute là-dessus, mais elle semblait différente en même temps. Elle portait des vêtements étranges et quelque chose dans son regard semblait inhabituel. Peut-être n'était-ce qu'un piège ? « Tu en as mis du temps, tu voulais te faire désirer ? » lança la sorcière tout en tentant d'envoyer la bénéfique à l'autre bout de la pièce, d'un geste de la main. Autant ne pas perdre de temps et déclencher les hostilités tout de suite.

Cette sorcière était là. Elle était là, face à Joyce. L'heure du combat avait sonné, semblait-il. Le dernier combat. Une chose était certaine aux yeux de la maléfique : l'une ou l'autre allait mourir. Elles ne ressortiraient pas vivantes d'ici toutes les deux. Et elle espérait, évidemment, être la grande gagnante de ce combat à mort. C'était pour cette raison qu'elle avait directement attaqué. Il était étonnant que l'autre ne l'ait pas fait, à peine apparue au milieu du salon, mais sans doute s'agissait-il d'un plan bien préparé. Joyce imaginait assez mal la bénéfique venir ici sans aucun plan. Bien qu'elle ne semblait pas très au courant, comme venue sans l'avoir réellement désiré. Un piège, évidemment. Quoi d'autre ? Avant d'être envoyée à l'autre bout de la pièce, la sorcière avait prononcé un prénom. Prénom inconnu pour Joyce. Un autre piège ? Certainement. Mais autant dire que la maléfique ne comprenait rien au piège de son adversaire, ni même à son plan. Qu'est-ce que tout cela pouvait lui apporter ?

Joyce ne devait pas se laisser déconcentrer. Elle était prête pour cette bataille. Prête pour la remporter. Et voilà qu'elle recommençait à parler de cette Judith. Quoi qu'en réalité, elle donnait l'impression de s'adresser à Joyce ! Avait-elle perdu la tête ? Etait-elle victime d'un quelconque sortilège ?  « Si tu essayes de me distraire ou de me déconcentrer, tu perds ton temps sorcière ! » lança-t-elle, un sourire assuré aux lèvres. Elle pouvait bien lui accorder une petite réplique ou deux, puisqu'elle était certaine de sa victoire juste après. « J'ignore qui est cette Judith dont tu parles, mais... » elle fit une pause pour réfléchir à la suite de cette phrase, cherchant la bonne réplique, sauf qu'elle était là pour combattre et non pour discuter. « sois rassurée, elle n'aura pas le temps de s'attaquer à toi, même si elle se découvrait un pouvoir. C'est mon tour et je ne compte pas te laisser repartir d'ici. Pas en vie, du moins. » Morte, en un morceau ou en plusieurs, Joyce la laisserait repartir sans problème. Mais pas vivante. Elle allait payer pour son crime. « Alors si tu le permets ! » Il était temps de se battre et d'en finir. C'est pourquoi Joyce tendit une main vers son ennemie, serrant son poing pour donner l'impression à sa victime qu'elle était en train d'étouffer. C'était sans doute son pouvoir préféré et celui qu'elle maîtrisait le plus, mais elle pouvait toujours rater son coup. Au pire, cela rendrait juste la situation un peu plus amusante.

Si la sorcière pensait pouvoir déconcentrer Joyce, c'était peine perdue. Elle avait une idée bien précise en tête, elle avait un plan : elle devait faire souffrir cette sorcière et la tuer pour se venger. Rien ne pouvait la distraire. Rien ne pouvait l'empêcher de mener à bien cette mission qu'elle s'était donnée. Cette maudite sorcière ne faisait que parler d'une Judith, d'une soeur. C'était un plan absurde pour espérer la déconcentrer. Joyce ne comprenait pas où elle voulait en venir ou ce qu'elle voulait faire en faisant cela. La réplique de l'autre sorcière ne voulait rien dire aux yeux de la maléfique. Rien du tout. La sorcière ne répondit rien, d'ailleurs. Elle restait méfiante et fixée sur son objectif. La bonne sorcière tenta encore de discuter, mais Joyce n'en avait nullement envie. Elle n'avait d'ailleurs plus qu'une seule envie depuis ce qui lui semblait être un siècle : la faire souffrir. Elle était son seul but dans la vie désormais, elle était la seule chose qui la faisait tenir debout, la seule chose qui la motivait chaque jour. Elle n'était rien d'autre.

Alors plutôt que de répondre à la sorcière, Joyce tendit un bras vers elle et serra son poing, privant ainsi son adversaire d'oxygène. « Joyce Blake, un nom que tu n'es plus prête d'oublier désormais puisque c'est le dernier que tu entendras ! » lâcha-t-elle, pleine de rage, serrant davantage son poing. En l'observant, néanmoins, un sourire satisfait, un sourire qui ne cachait pas le plaisir que Joyce prenait à la voir s'étouffer, apparut sur ses lèvres. Elle la regardait manquer d'air, elle la regardait chercher à obtenir ne serait-ce qu'un peu d'air, elle la regardait souffrir et elle souriait. Le spectacle la rendait si heureuse, qu'elle en oubliait presque de faire attention à la défense de la petite sorcière. Et lorsque Joyce remarqua ce bras qui se leva en sa direction, elle n'eut pas le temps de réagir. Elle lâcha sa prise et se retrouva propulsée en arrière. La table basse la fit basculer à l'arrière, entre elle et le canapé. Ce contretemps la mit en colère, elle ne supportait pas de s'être laissée distraire, même un instant. Joyce laissa alors la colère la contrôler, laissant son aerokinésie faire le reste. « Tu m'as pris ce que j'avais de plus cher... » hurla-t-elle. Elle tentait de provoquer une rafale telle que la sorcière en face n'ait d'autres choix que de reculer ou, même mieux, qu'elle aille s'écraser contre le mur derrière elle. Elle la briserait, peu importe le temps que ça prendrait. « Je vais te faire souffrir, je vais te tuer et je retrouverai tes proches pour leur faire subir le même sort ! » rétorqua-t-elle, les mains toujours en avant, se concentrant pour réussir son coup. Et cette fois-ci, elle tentait également de se préparer à l'éventualité où la sorcière en face riposte et évite son attaque. Elle s'était faite avoir une fois. Pas deux.

Joyce ne voulait pas tuer la sorcière face à elle. Enfin, pas trop vite en tout cas. Elle voulait la faire souffrir, la briser peu à peu, la détruire avant d'en finir. Elle devait souffrir comme Joyce avait souffert. Une mort rapide aurait été une fin trop douce pour ce genre de personne. Elle ne méritait pas un tel privilège. Alors, d'abord elle l'avait privé de son air. Un sourire satisfait était même apparu sur les lèvres de la brune en voyant la sorcière suffoquer peu à peu. Elle prenait clairement un malin plaisir à voir cette scène. Mais la sorcière réussit à s'en sortir, la poussant à l'aide de la télékinésie. Joyce était en colère. Très en colère d'avoir raté son coup. Elle détestait être prise au dépourvue, se faire piéger par inattention. « Peu importe ton nom, sorcière ! Ça ne change rien ! » Elle se fichait éperdument du nom de cette personne. Un prénom et un nom n'allait rien changer à son envie de la tuer. Au mieux, elle aurait un nom à mettre sur sa dépouille, simplement.  

A la place, elle lui expliqua qu'elle allait la tuer puis qu'elle tuerait chaque personne de sa famille tout en essayant de l'attaquer de son aérokinésie en commençant tout doucement à lever le vent dans cette bâtisse. Cette menace semblait avoir réveillé cette Jemima. Tant mieux, un peu d'action avant de la tuer ne ferait de mal à personne. « Tu ne cesseras donc pas de nier ? » pesta la mauvaise sorcière. Comment pouvait-elle nier ce qui était pourtant une évidence - sa culpabilité ? - en inventant cette histoire de double ou elle ne savait quoi d'autre !

Et comme Joyce l'imaginait, elle prenait très au sérieux les menaces faites envers sa famille. Un véritable plaisir à regarder. « Je suis plus puissante que toi ! » Rétorqua-t-elle, certaine de valoir plus que cette pitoyable sorcière. Et pour appuyer ses propros, elle tentait de faire monter le vent davantage et de commencer à le diriger vers la sorcière. « Je le répète : je vais tous les tuer un par un ! » affirma-t-elle, sûre d'elle, en élevant un peu la voix pour se faire entendre malgré le vent. « Tu entends ? Tu ne pourras rien faire pour eux ! Tu vas les perdre comme tu m'as privée de mon frère. Tu veux savoir ce que ça fait de perdre quelqu'un qu'on aime ? » Lança-t-elle en hurlant, tentant d'imposer sa propre douleur à son ennemie, utilisant deux de ses pouvoirs à la fois, ce qui l'affaiblissait considérablement dans sa première attaque. Elle s'approchait de deux pas et reprit, pleine de rage. « Tu ne vas pas mourir tout de suite. Je vais t'affaiblir, te priver de tous tes moyens de défense et tu les regarderas mourir, impuissante. » Ainsi elle pourrait ressentir le moindre détail de ce qu'avait ressenti Joyce. Ça, c'était la vengeance idéale.