Ces derniers temps, il y avait eu tellement de choses qui avaient changées. Certaines positives, comme le retour d'Amaya, Gabriel qui avait obtenu le poste de procureur ou même Judith qui avait pu m'accompagner sur le terrain. Quoique pour ce dernier point, c'était positif quasi uniquement pour Judith. Pour ma part, je restais mitigée quant à ce souvenir-là. Parce que c'était depuis cette sortie que d'autres changements, cette fois ci beaucoup moins positifs, m'étaient tombés dessus. Le tout entraînant des conséquences, elles aussi, peu festives. Je devais désormais composer avec le pouvoir d'empathie et celui de télépathie. J'avais découvert les deux en même temps, même si avec le recul j'avais conscience qu'ils avaient dû apparaître avec un peu d'intervalle. Mais quand ? Est-ce que cela aurait rendu ça plus aisé ? J'en doutais. Et maintenant, j'allais devoir apprendre à les maîtriser rapidement si je ne voulais pas que cela me rende complétement folle. Les jours qui avaient suivi avaient été plus que chaotiques. Si avec Gabriel, ce n'était pas aisé, on arrivait à plus ou moins à s'organiser pour que ça ne nous bouffe pas. Mais au boulot, entre les collègues, les victimes et les suspects, c'était devenu l'horreur. Mes nouveaux pouvoirs ne pouvaient pas coller avec mon métier d'inspectrice de police. Pas tant que je n'aurais pas un minimum de contrôle. J'aurais aimé prendre une année sabbatique, mais j'ignorais combien de temps il me faudrait pour canaliser suffisamment tout ça. Alors j'avais fini par me résoudre à poser ma démission. J'avais trouvé une raison bidon pour mes collègues et mon chef. J'avais sorti un truc comme quoi la promotion de mon mari en tant que procureur m'avait amené à me poser des questions sur mes propres ambitions. Foutaises. Mais je me voyais mal leur dire que j'avais désormais des pouvoirs instables et que rester avec eux, c'était me condamner à finir internée. Bref, mon excuse était passée comme une lettre à la poste. Et j'étais donc en plein dans mon préavis de départ. Il ne me restait que peu de temps à faire au commissariat. Aujourd'hui, j'avais décidé de passer voir Amaya. Je ne l'avais revue qu'une fois, le jour où elle était venue m'annoncer son retour potentiellement temporaire. Je savais que venir la voir avec mes pouvoirs chaotiques, c'était risqué au vu de ses émotions depuis sa sœur. Mais il était hors de question que je lui cache quoi que ce soit ou que je la fuis. Sans compter qu'elle n'était pas encore prévenue de cette apparition ni de ma démission professionnelle. Je n'allais pas attendre qu'elle vienne à mon boulot et s'entende dire que je n'y étais plus, pour le lui dire. Amaya n'était pas juste ma meilleure amie, elle était une sorcière également, elle comprendrait la situation et j'étais certaine que nous trouverions un moyen de rester en contact en faisant au mieux pour nous deux. Et c'est ainsi que je me retrouvais donc à frapper à la porte de là où elle vivait actuellement. Chez ma sœur Judith. Une adresse que je ne connaissais que trop bien.
PRETTYGIRL
Dernière édition par Jemima Rojas le Jeu 24 Mar - 2:05, édité 3 fois
Attendant que la porte s'ouvre, je jouais nerveusement avec une mèche de mes cheveux désormais bruns. Pas que je n'aimais pas ma blondeur naturelle, mais le brun m'avais semblé un moyen de traduire les changements en moi. Comme pour traduire physiquement le chaos intérieur, le fait que je ne me fiais même plus à moi-même.
- Merci...
J'entrais dans l'appartement. Je regardais Amaya en souriant, mais mon visage traduisant une certaine incompréhension, comme s'il y avait quelque chose de différent, nouveau. Je n'aurais pas su dire quoi. Mais depuis que ma télépathie et surtout mon empathie étaient apparus, j'avais tendance à entrevoir les personnes qui m'entouraient autrement. Ce n'était pas leur faute ou la mienne, juste pouvoir capter leurs émotions et parfois leurs pensées, ça offrait une autre vision de ceux qu'on pouvait connaître. Et comme tout était nouveau chez moi, je n'avais pas de point de comparaison, d'émotions passées captées, pour savoir si ce que je percevais maintenant était habituel ou si ça traduisait quelque chose. Ici ce que je percevais d'Amaya était si profond et douloureux. Mais mon amie avait perdu sa jumelle, alors était-ce quelque chose de quotidien pour elle ?
- Non, c'est toi que je venais voir en fait.
Oui, c'était assez logique de croire que si je venais chez Judith, c'était pour voir ma sœur, mais aujourd'hui c'était avec Amaya que je souhaitais parler. Judith étant déjà au courant de ce qui me tombait dessus, puisque j'avais fait la découverte avec elle.
- Repose-moi la question dans quelques mois et je pourrais peut-être te répondre.
Je fis un petit sourire, sans réellement répondre à cette question. Comment le pourrais-je ? Ce n'était pas tant que j'allais bien ou mal, que depuis que mon empathie était apparue, je n'arrivais plus vraiment à me fier à mes propres émotions. Était-ce les miennes ou celles des autres autour de moi que je ressentais réellement ? Si j'avais bien conscience qu'une fois ce pouvoir maîtrisé ne serait-ce qu'un tout petit peu, les choses seraient moins compliquées, je savais aussi que ça ne signifiait pas pour autant que ça serait plus simple. Mais j'en étais au point où je voulais juste maitriser assez pour différencier mes propres émotions de celles d’autres. Juste le minimum pour rendre ça un peu plus vivable. Je voulais juste que le quotidien devienne moins compliqué, je n'en étais pas encore à espérer que ça devienne plus simple. Étant chez ma sœur, j'agissais naturellement comme d'habitude. Je me servais seule un thé. Ça faisait bien longtemps que chez Judith, j'avais mes aises, autant que Judith avait les siennes chez moi. Seulement chez moi, j'avais tendance à servir Judith telle une invitée, juste parce que ça faisait un peu partie de notre rituel à toutes les deux. La tasse chaude dans les mains, je me décidais à expliquer à Amaya la raison de ma venue.
- Je venais pour te prévenir que j'avais quitté mon boulot et que je risquais de réduire mes interactions avec les autres prochainement. Et je ne voulais pas que tu penses que je te fuyais ou quoi que ce soit. C'est juste que j'ai de nouveaux pouvoirs qui sont apparus et hors de contrôle.
Sans compter que Gabriel et moi étions désormais famille d'accueil pour Oxana qui était encore fragilisée et à découvrir un monde totalement nouveau. Mais j'avais confiance en Amaya et si mes nouveaux pouvoirs n'avaient pas été aussi chaotiques, le fait qu'Oxana soit maintenant dans nos vies n'aurait pas amené à ce que je m'éloigne d'Amaya ou de mes parents, ou que je démissionne. Je n'avais jamais été du genre femme au foyer, aussi j'aurais pu sans soucis être à la fois famille d'accueil, inspectrice de police et sorcière. Mais maintenant que l'empathie et la télépathie avaient fait leur apparition, tout prenait des proportions bien plus dures à affronter.
PRETTYGIRL
Dernière édition par Jemima Rojas le Sam 26 Mar - 5:10, édité 5 fois
C'était assez étrange d'être chez Judith pour parler toutes les deux. Mais au vu de nos vies respectives actuelles, il aurait été compliqué de faire autrement. En tout cas, j'étais rassurée de voir qu'Amaya était présente. Je voulais lui parler et cela n'aurait pas aidé si j'avais dû repousser cette conversation. Parce que si je prévoyais de m'éloigner le temps de gérer toute cette merde avec mes pouvoirs, Amaya méritait de le savoir. Qu'elle n'ait pas la sensation d'être ghostée parce que je lui en aurais voulu d'avoir été absente si longtemps, ou tout autre angoisse qu'elle pourrait se faire et que je voulais lui éviter.
- Vraiment ?
C'était la seule chose qui m'était venue quand Amaya m'avait répondu qu'elle était bien là. Cela devait être une remarque bizarre de ma part, surtout qu'Amaya me faisant face, je voyais bien qu'elle était là. Pourtant, mon "vraiment ?" était sorti comme instinctivement. Et ma voix n'était pas agressive ou ne traduisait pas que je remettais en doute les paroles de mon amie. C'était comme si je me posais cette question à moi-même, pour me rassurer que ce n'étaient pas mes pouvoirs qui n'étaient pas en train de faire des siennes. Depuis l'apparition de mon empathie et ma télépathie, j'avais du mal à reconnaître mes émotions propres de celles qui émanaient des autres. De même, avec les pensées. Du coup, ça avait pour impact que je remettais en question tout ce que je pensais ou ressentais. Et que j'avais besoin de m'autorassurer. Ce "vraiment ?" était un de ces moments où je m'autorassurais. J'avais juste dit tout haut ce que je faisais souvent tout bas en ce moment... J’offris une moue désolée à Amaya.
- C'est une longue histoire.
Oui, c’était une longue histoire que de devoir expliquer la bataille intérieure que mes pouvoirs étaient en train de générer en moi. Je ne devais pas juste contrôler mes nouveaux pouvoirs, je devais aussi reprendre le contrôle de moi-même. Quand Amaya me demanda ce qui se passais, je fis une moue surprise.
- Judith ne t'en a pas parlé ?
J'aurais cru que ma sœur aurait déjà tout raconter à Amaya. Pas forcément en nommant mes pouvoirs, mais qu'elle lui aurait raconté "la mission". J'étais surprise que pour la première fois que j'avais accepté que ma sœur m'accompagne, elle n'ait pas déjà fait un briefing complet de son aventure à Amaya, tel un gosse revenant de Disneyland. Mais maintenant que je savais qu'Amaya n'en savais rien, je n'allais pas la laisser dans l'ignorance. Je ne cachais rien à mon amie.
- Je viens de me découvrir l'empathie et la télépathie. En même temps. Enfin, j'ai découvert les deux le même jour, mais je ne sais pas si l'un n'était pas déjà là vu que niveau émotions fortes, c'était déjà mon quotidien... Disons que maintenant, j'ai du mal à savoir ce qui est vraiment à moi, si ce que je ressens, c'est vraiment moi... Allez viens, je t'ai tout te raconter dans les détails, vu que ma sœur ne t'a rien dit.
J'allais m'installer sur l'un des fauteuils du salon, tasse de thé en main, prête à tout raconter à Amaya.
PRETTYGIRL
Dernière édition par Jemima Rojas le Sam 26 Mar - 5:10, édité 5 fois
J'étais surprise de découvrir qu'Amaya n'était pas déjà au courant. Pas par rapport à mon amie, mais plus par rapport à ma sœur. Cela ne lui ressemblait pas d'avoir tu une telle nouvelle encore plus à Amaya qui vivait avec elle et qui était une sorcière. Mais peut-être qu'elle devait de son côté digérer ce qu'elle avait vécu. Certes Judith avait enfin vécu une de ses "aventures" mais ça avait mal tourné, alors peut-être avait-elle voulu le cacher à Amaya pour une raison qui lui était propre... Je pris donc place sur le canapé, posait la tasse sur la table basse et m'installait face à mon amie, prête à tout lui raconter.
- Vraiment ? J'aurais cru qu’elle aurait sauté sur l'occasion de pouvoir raconter à tous les sorciers de sa connaissance sa "première sortie sur le terrain".
Pour ces derniers mots, j'avais fait les guillemets avec les mains.
- Quand on y était, j'avais l'impression d'emmener une gosse à Disneyland. Au départ, ça devait juste être une simple mission de repérage. Rien de plus. Tu penses bien que les parents n’auraient pas choisi une mission dangereuse pour sa première. Enfin choisi... Judith a réussi à atteindre leur patience à son plus haut level et ils ont fini par céder. Et comme j'avais une mission de repérage, ils m'ont demandé de l'emmener avec moi pour voir si sur le terrain, elle fait ses preuves ou si c'est elle est incapable de se tenir et est un danger ambulant... En gros de la tester quoi.
Je n'avais pas forcément besoin de rentrer trop dans les détails quand il s'agissait du fonctionnement de ma famille et plus précisément de mes parents. Amaya avait grandi avec moi, elle savait comment nous les Donovan, on marchait. Ou plutôt, elle savait que chez les Donovan, c'est le royaume de la famille soudée, mais ultra dysfonctionnelle. Amaya avait plus d'une fois assisté aux demandes incessantes ou, disons-le franchement, les suppliques de Judith pour aller en mission avec nous. Elle avait aussi vu mes parents dire encore et encore non. Alors quand je lui disais que mes parents avaient cédé, c'était parce qu'Amaya avait pu voir ma sœur en action et mes parents en réaction.
- Quant au fait que ce soit moi qu'elle ait accompagné et pas notre frère, j'aimerais penser que c'est parce qu'ils ont confiance en moi et reconnaissent le fait que je sois proche de Judith. Mais j'ai comme dans l'idée, que c'était davantage une punition pour des années de rébellion, et aussi parce que j'ai parfois osé suggérer qu'avant de refuser le terrain à Judith, il faudrait lui laisser l'opportunité de faire ses preuves...
Je n'étais pas assez naïve pour penser que mes parents voudrait me récompenser de quoi que ce soit. Pas depuis que j'avais renoncé à une carrière de future avocate pour choisir la police. Pas depuis que j'avais épousé pour ancien prof de Droit de 16 ans de plus que moi. J'étais désormais leur déception constante. Et horrible que ce soit à avouer à voix haute, cette mission avec Judith devait être une punition. Une simple mission de repérage avec Judith étant Judith. Sauf qu'ils avaient oublié la base que toute sorcière e devait de garder en tête. Même la plus simple des missions pouvait mal tourner et devenir un vrai chaos. Et là, ça n'avait pas manqué.
- Le repérage de base, c’est révélé être un démon adorant jouer avec les émotions. Et devine qui a trouvé cet excellent moment, alors qu'elle était en compagnie de sa sœur et face à ce genre de démon, de découvrir qu'elle possédait la télépathie et l'empathie ? Qui est assez poissarde ?
Je me désignais du doigt, sourire figée, voix teintée de sarcasme. Tout c'était accumulé pour que de simple repérage, ça devienne mon enfer sur Terre. Je fis une coupure, en prenant une gorgée de thé comme pour me chasser le souvenir des émotions de ce jour. J’avais déjà assez de mon empathie sur le dos pour en plus m'infliger moi aussi la torture de mes propres émotions. Quand Amaya sembla s'extasier de cette puissance nouvelle en moi, je fis une moue dégoutée. Je n'arrivais pas à me réjouir. Et plus étonnant, je n'arrivais même pas à ressentir le sentiment d'entrain tout court. Comme si ni moi, ni Amaya ne nous réjouissions. Mais avec le chaos de mon empathie et de ma télépathie, il était fort probable qu'Amaya soit heureuse pour moi et que je sois incapable de le ressentir parce que j'étais trop devenue un réceptacle à émotions de toutes sortes pour savoir y piocher la bonne au bon moment. Foutu pouvoir bien merdique qu'était l'empathie. C'était supposé être un pouvoir utile ? En quoi ? Ah si, j'aurais désormais une excuse plus que valable pour fuir les réunions de famille pour les prochains mois. Oserais-je m'en servir pour les fuir durant les prochaines années ? C'était si tentant.
- Ça veut dire que j'entends les pensées de tout le monde et que je ressens ce que tout le monde ressent en ce moment. Mais que pour le moment, je me débats encore avec ce que j'ai entendu et ressenti il y a 10 minutes et dont j'ignore si c'était moi, ou un passant, ou le voisin d'un côté. Alors peut-être que oui. Mais je suis incapable de dire si ça vient de toi. Je suis devenu incapable de dire ce qui vient de moi. Pourquoi crois-tu que j'ai démissionné et que je prévois de vous éviter. C'est comme si j'étais en train de me perdre. Comme si j'étais en train de me noyer dans un torrent de pensées et d'émotions et que cette noyade se fait à l'intérieur de moi.
Et cette lutte intérieure était épuisante. Je m'étais retrouvée ce matin à me mettre à avoir d'un fou rire sans savoir pourquoi, puis de passer 2 minutes plus tard à la crise de larmes. Avant de finir par réaliser que ni l'un ni l'autre ne venait de moi.