Je suis né de ce qu’on va appeler un incident bienheureux. Moi, je dirais plutôt d’un moment où l’amour a dû foirer quelque part, pour laisser deux personnes comme mes parents terminer ensemble. Je crois que si mon père avait un cupidon, il a dû se faire ramasser par une voiture ce jour-là, avec l’être de lumière de mon paternel.
Ma mère était une valkyrie, et comme toutes les valkyries, une de ses missions consistait à trouver des hommes sur Terre, les ramener au Valhalla, et les mesurer niveau combat. Tout ça pour les faire se battre pour « le grand combat final » ou un truc du genre. Je n’ai jamais trop compris le principe de leur délire, mais ce qui est sûr c’est que tout ne s’est passé comme prévu, le jour où ma mère a voulu prendre l’âme de mon père.
Déjà parce qu’il était plus charmant qu’elle ne le pensait. Ensuite, parce qu’il lui a fait le coup de ne pas maîtriser son pouvoir, et qu’elle est tombée sous son charme, comme quelqu’un qui aurait gobé un philtre d’amour.
Ouais, mon père quand il a vu ma mère, il l’a trouvé si bien, qu’il en est tombé direct amoureux, et que son empathie – en pouvoir, hein – en a fait qu’une bouchée.
Du coup ils se sont connus comme ça, et au-delà de l’empathie, ma mère a découvert chez mon père, une passion, et une détermination qui lui plaisait. Et elle savait très bien que si elle lui piquait son âme, mon père décèderait sûrement à peine arrivé au Valhalla.
Faut dire qu’il n’avait jamais été très fort, et qu’il passait trop de temps à l’hôpital, avec un être de lumière qui paniquait parce qu’il allait jamais bien.
Les choses se faisant, au bout d’un an ou deux, mes parents se sont mariés, ma mère a renoncé à retourner au Valhalla, est restée en Roumanie, et peu après elle tombait enceinte, de ce qui deviendrait moi. Même qu’entre temps, ils ont décidé de vivre le rêve américain, et qu’ils sont allés se fourrer à San Francisco. Du coup mon roumain est un peu rouillé, vous voyez ?
Je crois qu’ils avaient placé trop d’espoir en ce que j’allais devenir. Ma mère voulait que je sois son fils digne, qui serait assez fort pour se battre, et mon père, lui, ne se doutait pas encore d’à quoi j’allais bien pouvoir lui servir.
Mais il a vite su. Il a suffi qu’à quatre ans je sache déjà jouer un bout de la lettre à Elise juste parce que je l’avais entendu, sur le piano familial, pour qu'il décide de ce que j'allais devenir.
J’étais le nouveau Mozart, le futur Thor – comme dans le film du même nom -, et les espoirs que placèrent mes parents sur moi, me pourrirent la vie.
Enfin pas au début. Je veux dire, quand on vous acclame parce que vous savez jouer du piano tel un prodige, que toute la Roumanie s’arrache de voir cet enfant star ; qui à défaut de savoir chanter bien, peut jouer une mélodie rapidement en fermant les yeux, ouais, vous profitez.
Et quand votre mère s’extasie parce que « Regarde chéri, il a soulevé le frigo ! Aussi fort que sa mère ! », avant de vous emmener vous gâter en ville…
Vous vous plaignez pas, vraiment.
Même à l’école j’avais des petits admirateurs, mais je savais qu’il fallait que je fasse attention et que je ne montre surtout jamais mes pouvoirs. Même s’il m’arrivait, quand j’avais six ans, au début, de faire secouer la Terre sans trop le vouloir.
Mais au-delà de ça, c’est à l’école que j’ai rencontrée Jaylee. On a toujours été ultra proches. Nos parents se connaissaient, tout était plutôt cool, et autant dire qu’on était des gamins. Donc qu’on faisait un peu n’importe quoi. Surtout qu'on était aussi des sorciers – enfin, moi qu’à demi mais c’était suffisant – et que du coup, quand je faisais trembler la terre, elle, elle s’amusait avec son hydrokinésie.
Enfin, avant qu’elle découvre ce pouvoir, moi, j’ai découvert le vrai plan de mes parents. J’ai commencé à avoir moins de temps libre.
Ma « célébrité » augmentait, ma force aussi, et quand ma mère voulait m’entraîner à devenir une valkyrie, mon père m’entraînait à être le meilleur pianiste du monde.
Autant dire que ça me déchirait le cœur de voir beaucoup moins Jaylee. Et de voir moins le reste du monde.
C’est là que ce qui ressemblait à un truc plutôt cool est devenu un enfer. Je me faisais exploiter de partout, ce n’était pas terrible.
Même à ma majorité, je n’avais pas le choix de mes études. Voyons, pourquoi aurais-je dû choisir ? Mes parents le faisaient pour moi.
Allez Viorel, fait moi cette sonate, plus vite. Allez Viorel, intercepte mon coup et met moi par terre, je t’attends.
Je commençais à me plaindre à Jaylee, je commençais à me plaindre sur Internet. Je commençais à en avoir assez, et c’est comme ça qu’à vingt ans, j’ai pris mes clics, mes clacs, tout l’argent que mes parents avaient gardé pour « moi », et je me suis barré. Je suis pas allé bien loin, parce que je savais que même si je voulais aller loin, ils me retrouveraient de toute façon. Mais je suis quand même parti.
J’ai trouvé un appartement sympa, j’ai commencé à enchainer des jobs pourraves qui m’exploitaient probablement autant que mes parents, j’avais pas tant de temps à moi, mais j’étais libre. J’avais fait comprendre à mes parents qu’ils ne me toucheraient pas plus.
Et puis, c’est un an plus tard, que j’ai trouvé ma meilleure amie sur le palier de ma porte, avec ses valises.
Faut croire qu’elle aussi, sa mère était pourrave. Mais bon, au moins, moi mes parents avaient tué personne, si on omet toutes les âmes que ma mère avait volé quand elle était encore une valkyrie officielle.
Je l’ai accueilli. J’ai toujours adoré Jaylee. Je pouvais pas faire autrement. Je l’ai soutenu, j’ai survenu à ses besoins le temps qu’il fallait, et puis on a commencé à parler de nous, de nos pouvoirs, de tout ce qu’on était capable de faire. On était jeune, on était con, et un jour j’ai failli la perdre. Mais c’est aussi comme ça que Jaya est entré dans notre vie.
Je l’ai accueilli sans me plaindre, avec un grand sourire, et moi j’ai ramené Lagertha, parce que je commençais à la connaître, que je la trouvais cool, que bosser me soûlait de plus en plus, et que parce qu’on se respectait mutuellement, elle était décidée à m'entretenir. Et je ne sais plus comment il s’est ramené, mais y a aussi eut une autre personne. On était comme ça, un groupe de cinq potes sorciers, à moitié ou non, voire pas du tout sorcier, qui se sont alliés.
Notre but ? Devenir ultra puissant. Un but plutôt cool, parce que clairement, si on est puissant, on est libre non ? Et on a des larbins pour faire le boulot à notre place, et on peut ne rien faire. Je crois qu’à avoir bossé toute mon enfance, a fait de moi un type qui supporte pas de devoir me bouger par la suite. Pis bon, Lagertha me fournissait en argent, j’allais pas cracher dans la soupe.
On a continué comme ça un bon bout de temps avouons-le. Moi je revoyais pas mes parents, Jaylee revoyait pas sa mère, donc on était tranquille. L’autre faisait avec ses parents. Et Lagertha…Bah elle se débrouillait avec ses deux mères. Enfin non, Jaya avait son paternel ultra inquiet, mais bon.
Mais on avait pas prévu ce qu’il se passa, quand on voulu s’amuser à tester de la magie noire. On n’avait jamais décidé d’un alignement. Trop d’emmerdes, plus de choix si on en choisit pas, bref.
C’est quand je l’ai vu au sol, mon pote, celui avec qui j’avais partagé quelques bières, et qui avait même fait des jam sessions avec moi, au-delà de notre jeu de pouvoir, que j’ai demandé bêtement :
- Il est mort ? Ouais j’avoue, c’était pas très malin. Mais c’était le choc.
Notre pote venait de mourir, et probablement par notre faute. J’ai failli me transformer en corbeau sous le choc. J’avais l’air con, merde.
C’était genre tellement récemment maintenant que j’y pense, et j’ai perdu un ami. Parce qu’on était probablement fous, parce qu’on jouait trop de magie.
J’avoue, j’en menais pas large. Je me sentais mal. Est-ce qu’on était allé trop loin dans notre curiosité ? Sûrement. Après ça je sais pas, j’avais encore moins envie de foutre quelque chose de ma vie. Si on pouvait juste crever comme ça aussi facilement, autant en profiter pour faire autant de trucs qui nous ferait plaisir, non ?
Même si l’idée de m’améliorer toujours plus reste dans ma tête. Je suis peut-être le plus flemmard du groupe, mais c’est ce qu’il aurait voulu non ?
Après ça, Jaya s’est fait bridé ses pouvoirs, moi je me suis fait engueulé comme du poisson pourri, parce que d’une façon ou d’une autre mon père a appris ce qu’il s’était passé, et que ma mère m’a fait un piledriver en guise de punition, et je les ai insultés avant de vite faire qu’ils me laissent tranquille.
Maintenant…. Je crois que je réfléchis vraiment à tout ça. Et ça m’emmerde. Faudrait faire attention.
Alors je joue à mes jeux, je fais mes vidéos, et pourtant, je veux quand même améliorer mes pouvoirs. Tellement.