[Terminé] De retour à San Francisco ⚝ Judith

Judith ne réfléchissait pas toujours avant de parler, et si elle essayait de rassurer son amie dans un premier temps, elle faisait tout le contraire en ajoutant une menace. Il était certain qu'elle n'aurait aucune confiance en elle si Judith tenait de tels propos, mais elle n'avait pas réfléchi à ce qu'elle disait, ne voyant cela que comme une plaisanterie. En réalité, Judith était morte de trouille et même si elle avait confiance en Amaya en général, il était vrai que dans cette situation, elle perdait peu à peu cette confiance. Elle comprenait bien qu'Ama n'y était pour rien si toutes les formules ne fonctionnaient pas, si tout ce qu'elle tentait n'avait aucun résultat. Sauf qu'elle ne voyait qu'une chose : comment allaient-elles s'en sortir ?

Comme souvent lorsqu'elle avait peur, Judith se plaignait de tout. Cette fois-ci, elle trouvait que la sorcière était bien trop lente. Plus les minutes passaient, plus Judith avait peur. C'était logique après tout. Et si cet esprit gagnait en force ? Ou s'il préparait quelque chose ? La sorcière avait alors agi, récitant une formule pour bloquer l'esprit dans la chambre. C'était déjà une bonne chose. Il était préférable qu'il reste coincé dans la maison et qu'il n'aille déranger aucun voisin. Qui sait le chaos qu'il pourrait semer s'il s'échappait ! Judith ignorait si la formule pouvait avoir un quelconque effet, mais l'esprit ne semblait pas approuver puisqu'il s'en prit violemment à Amaya. L'humaine s'était alors approchée de son amie, lui demandant si tout allait bien. Elle n'avait pas le droit d'être blessée ! Pas temps que l'esprit était encore là. Judith n'allait tout de même pas rester seule avec, sans aucun pouvoir pour se défendre. Judith proposa alors de sortir de cette pièce. Si l'esprit y était enfermée, elles auraient alors tout le temps pour réfléchir. Sauf qu'en essayant de passer le pas de la porte, quelque chose l'en empêchait. Il y avait comme une porte invisible. Une porte créée par la sorcière, évidemment. Enervée, la bibliothécaire s'était retournée vers son amie qui ne comprenait pas comment cela était possible. Et quel besoin avait-elle d'essayer ! « C'est super, ta formule a fonctionné au moins ! Juste un peu trop ! » rétorqua-t-elle, mauvaise à l'idée d'être enfermée ici avec un esprit. Puis elle s'énerva de nouveau contre la sorcière pour qu'elle trouve une solution. La peur la gagnait de plus en plus et elle ne réussissait plus à se contrôler. Pourtant, elle savait bien au fond d'elle, que ce n'était pas aider Amaya que de réagir comme ça, mais elle réagissait toujours ainsi à ce type de peur.

Lorsqu'Amaya rétorqua, la jeune femme ne répondit rien, se contenant de lever les yeux au ciel. Puis la sorcière lui demanda de rester derrière, sans bouger. Après tout, ce n'était pas comme si elle n'en avait pas l'habitude. Elle obéissait donc, regardant son amie retirer sa veste, sans doute pour être plus à l'aise. Elle ferma ensuite les yeux, sans doute, cette fois-ci, pour se concentrer sur le moindre bruit. Judith, comme on lui avait demandé, ne bougeait pas d'un pouce tandis que la sorcière utilisait son pouvoir pour former une boule d'eau. Puis elle la lança sur l'esprit. Esprit qui, à en juger par l'endroit qu'Amaya avait visé, était tout à côté de Judith. Encore une fois cela ne fonctionnait pas, le seul effet avait été de tremper le sol et d'éclabousser Judith au passage. « Si tu continues comme ça, tu vas pouvoir la réciter ta formule parce qu'on ne va pas tenir longtemps ! » pesta-t-elle. Mais plus sérieusement, la solution d'Ama était plus que mauvaise. Hors de question que Judith ait une telle responsabilité sur le dos. « S'en sortir vivantes, c'est une idée, ça ? » rétorqua Judith avant de fermer les yeux pour réfléchir sérieusement.  « Il est hors de question que tu appelles un autre esprit ou que tu meurs, j'veux avoir le plaisir de te tuer moi-même et je ne veux pas que la maison soit envahie ! » elle n'était pas prête d'arrêter, elle qui n'avait jamais rien reproché à Amaya lorsqu'elle utilisait la magie noire, elle lui reprochait tout de cet événement tant elle avait peur. Mais Amaya la connaissait et savait qu'elle ne pensait rien de ce qu'elle disait. Seule la peur la faisait parler.

Enfin, il n'était plus temps d'attaquer Amaya, il était temps de trouver une solution ! Une vraie ! Une qui fonctionne... Sauf que la sorcière ici, c'était Amaya. Judith avait beaucoup observé ou lu, c'était vrai, mais rien ne remplacerait jamais les pouvoirs et l'expérience de son amie. « Et si tu essayais d'inverser la formule que tu as récité, de le renvoyer plutôt que de l'appeler ? Pour l'annuler, pour le faire retourner d'où il vient... Enfin, tu vois ce que je veux dire ! Tu peux faire ça, j'en suis sûre ! » ou elle espérait en être certaine plutôt.

Les deux jeunes femmes se retrouvaient à devoir faire face à un esprit. Si au départ il ne semblait pas maléfique, c’était maintenant tout le contraire. L’esprit venait de s’en prendre violemment à Amaya. Il l’avait projeté dans la pièce, alors qu’elle récitait une formule pour tenter de l’enfermer dans la chambre de Judith. Tout cela avait dû lui déplaire. Se retrouver confiner n’avait rien de plaisant, il n’avait pas dû approuver l’idée de la sorcière. Les deux femmes avaient voulu quitter la pièce pour se protéger. En se retrouvant de l’autre côté l’esprit n’aurait pu rien faire. Sauf que la formule d’Amaya avait fonctionné, mais pas réellement comme elle désirait. La bonne chose était que l’esprit était bel et bien enfermé. La mauvaise était qu’Amaya et Judith l’était également. Une sorte de mur invisible s’était installé dans l’embrasure de la porte. Impossible pour qui que ce soit d’en sortir. « Ce n’est pas de ma faute. » Amaya était persuadée que sa formule était bonne. Seulement, l’esprit l’avait violemment bousculé avant qu’elle ne puisse terminer correctement, voilà pourquoi la formule n’avait pas eu l’effet escompté.

Si elles étaient enfermées là, Amaya n’avait pas d’autre choix, elle allait devoir se battre et vaincre vite. Elle n’avait pas pratiqué la magie depuis deux ans, alors elle avait perdu toute confiance en elle. La sorcière était persuadée de ne pas être capable de réussir, ce qui n’allait pas aider. Si elle avait fait ça deux ans plus tôt, elle aurait réussis en un seul petit tour de magie. Ama avait demandé, ou plutôt ordonné à Judith de ne pas bouger. Elle avait besoin de se concentrer et d’entendre le moindre bruit pour localiser l’esprit et essayé de l’emprisonner. « Judith. » gronda Amaya. Son amie ne l’aidait pas, bien au contraire. Elle n’avait pas besoin de ce genre de réflexion pour le moment. Elle avait besoin de se concentrer et d’avoir un minimum confiance en ses capacités de sorcières. « Ce n’est pas le moment de rire Judith. » L’humaine ne cherchait pas à faire rire, elle répondait avec humour pour se moquer d’Amaya, pour se moquer du fait qu’elle n’arrivait à rien. Elle était guidée par la peur et ne pensait pas ce qu’elle disait, mais ça n’en était pas moins décourageant. « Si tu veux, une fois que j’aurai renvoyé cet esprit chez lui, tu pourras me tuer. Pour le moment, tu as besoin de moi vivante. » Judith était humaine et elle refusait d’appeler sa famille, alors elle n’avait pas le choix, elle allait devoir faire avec l’incompétente Amaya ou vivre avec un esprit dans sa chambre pour le restant de ses jours. Amaya encaissait les réflexions de son amie, même si elle ne se laissait pas forcément faire, elle évitait de se braquer, parce qu’elle connaissait les potentielles conséquences. Judith lui reprochait tellement de choses, alors qu’Ama faisait de son mieux pour réussir, elle faisait tout son possible pour débarrasser la maison de Judith de cet esprit, elle faisait de son mieux pour protéger son amie, faire en sorte qu’il ne lui arrive rien.

Amaya n’arrivait plus à réfléchir correctement. Elle était incapable de penser à des choses totalement logique et simple. C’était Judith, une humaine, une personne n’ayant jamais pratiqué la magie qui devait se mettre à réfléchir à sa place. « Pourquoi n’y ais-je pas pensé avant ? » Amaya cherchait le livre des yeux, mais elle ne le trouvait pas. Avec tout ce bazar, il était impossible de retrouver quoi que ce soit. Elle n’avait pas le choix, elle allait devoir le faire de tête. Et cette fois-ci, elle n’avait pas le droit à l’erreur. Si elle se trompait, elle pouvait faire venir d’autres esprits. Amaya ferma les yeux, pour se concentrer et réfléchir. Avant de réciter la formule en l’inversant, elle s’était dit qu’il était peut-être plus prudent d’utiliser son pouvoir astral. Elle allait pouvoir se dédoubler et les deux elles, allaient pouvoir réciter la formule. L’esprit allait peut-être être troublé et s’il voulait se défendre, il aurait deux Amaya, chacune à un bout de la pièce, chacune en train de réciter la formule. Pour la première fois, ce jour-là, Ama était confiante, elle sentait qu’elle allait réussir. La brune commençait donc à réciter sa formule, les yeux fermer pour ne pas faire d’erreur et pour rester concentrer. Par chance, elle avait réussi à la réciter jusqu’au bout. Elle ne savait pas si cela avait fonctionné, mais tout semblait calme. Une fois sa projection astrale disparue, la brune regarda tout autour d’elle. Les deux femmes semblaient être seules. « Tu crois que c’est bon ? Tu crois qu’il est retourné d’où il venait ? » Amaya l’espérait en tout cas.

Si l'esprit était bel et bien enfermé dans la chambre de Judith, ce n'était pas le seul. La formule d'Amaya avait si bien fonctionné que les deux filles se retrouvaient, elles aussi, coincées dans la chambre. Judith s'agaçait, la peur parlant pour elle, et elle s'en prenait alors à son amie. Amie qui rétorquait qu'elle n'y était pour rien. Sauf que dans l'esprit de Judith, celle qui avait récité la formule était forcément la responsable, bien que l'esprit avait joué un rôle dans tout ça en l'empêchant de réciter tout comme il fallait.

A la demande de son amie qui essayait de se sortir de cette situation, Judith cessa de bouger, mais ne s'empêcha pas une réflexion ou deux, qui lui valut de se faire rappeler à l'ordre par Ama. « Oh mais je ne suis pas en train de plaisanter Amaya... » lâcha la bibliothécaire, oubliant l'ironie un instant pour lui montrer à quel point elle était sérieuse. En réalité, elle n'était si sérieuse qu'à cause de la peur et ne pensait pas un mot de ce qu'elle racontait depuis tout à l'heure. Dans tous les cas, Amaya avait raison pour une chose : Judith avait besoin d'elle vivante. Simple humaine, elle ne pourrait jamais renvoyer cet esprit d'où il venait. Il n'y avait que la sorcière qui pouvait le faire. Ce n'était donc pas le bon moment pour la menacer de l'envoyer retrouver l'esprit. « Je te remercie pour l'autorisation ! Vraiment ! » pesta la bibliothécaire.

Judith ne bougeait toujours pas, attendant que son amie localise l'esprit et trouve une solution pour s'en débarrasser une bonne fois pour toutes. Alors à sa demande, la jeune femme se mit à réfléchir avec elle. De toutes façons, à part ça, elle ne pouvait pas faire grand chose pour aider. Elle avait vu sa famille combattre bien des fois, elle avait beaucoup lu sur la magie, alors peut-être pouvait-elle trouver quelque chose, la moindre connaissance enfouie au fin de sa mémoire, qui pouvait les aider. Alors elle proposa une chose, une idée, peut-être stupide, elle n'en savait rien. Amaya avait fait venir cet esprit en l'appelant. Peut-être pouvait-elle le faire partir en le renvoyant, tout simplement. Peut-être suffisait-il d'inverser les mots, de dire le contraire de ce qu'elle avait dit dans sa première formule ? Enfin, Ama s'en sortirait, Judith en était certaine, quoi qu'elle disait depuis le début de cette histoire.

Amaya ferma donc les yeux, se concentrant. Judith restait silencieuse pour une fois, dans son coin, sans bouger. Elle observait la jeune femme prendre sa forme astrale, réciter la formule. Elle restait sur ses gardes, se méfiant du moindre bruit ou du fantôme qui pouvait se rebeller une fois encore. Lorsqu'elle eut terminé, cette fois-ci, tout semblait avoir fonctionné correctement. Judith attendit une minute, laissant son amie observer les alentours et écouta sa question. « Je crois, oui.. » Plus de bruits, plus de choses qui volaient à l'autre bout de la pièce, plus rien... Sans doute était-il parti pour de bon cette fois. « Tu as réussi ! Je savais que tu allais réussir ! » Même si elle était passée par autant de phases où elle croyait en son amie que de phases où elle ne lui accordait plus aucune confiance. Elle était bien trop heureuse de s'être sortie de tout ça pour ne pas sauter de joie et la peur s'était évaporée à la seconde où l'esprit avait disparu. « Tu n'as plus qu'à annuler la formule qui nous empêche de sortir et tu seras ma sorcière préférée pour toute la semaine ! » parce qu'avec ou sans esprit, Judith ne comptait pas rester enfermée dans sa chambre pour l'éternité, donc il lui restait encore cette petite chose à faire avant de devenir sa sorcière préférée. « et tu crois que tu pourrais réciter une petite formule pour tout ranger ? Juste une toute petite ? » Judith ne retenait jamais bien longtemps la leçon. Une formule venait de mal tourner, les mettant en danger, mais elle voulait encore que son amie se serve de magie. Après tout, ce n'était rien du tout, rien de plus qu'une petite formule pour réparer le mal provoqué par cet esprit, cela n'avait rien à voir avec le fait d'appeler les morts.

Tout était enfin rentré dans l’ordre. Amaya venait de réussir, l’esprit venait de quitter la maison de Judith. Il était retourné de là où il venait, enfin, sans doute. Le plus important était qu’il ne soit plus ici. « Vraiment ? » Judith disait qu’elle avait toujours su qu’Amaya allait réussir, alors que quelques minutes plus tôt, elle lui disait très clairement qu’elle n’allait pas y arriver. Elle changeait d’avis très vite, selon la situation. La sorcière souriait, elle savait très bien que Judith ne pensait pas ce qu’elle avait dit quelques minutes plus tôt, elle était simplement prise de panique, rien de plus.

« Pour la semaine seulement ? » Amaya s’efforçait de sourire une fois encore. Elle devait bien l’avouer, Judith était un véritable amusement. La brune s’était approchée de la porte, sans la toucher, tournant le dos à son amie. Quelques mots plus tard l’ouverture était normalement désenvoûtée et elles allaient pouvoir sortir de la pièce. Passant une main dans un premier temps, puis son corps tout entier, Amaya était désormais hors de la chambre, le sort était bel et bien levé. « Voilà, vous êtes libérée madame Donovan, vous n’êtes plus condamnée aux murs de votre chambre. » Amaya était légèrement soulagée, elle avait réussi un sort et elle devait l’avouer, ça lui faisait plaisir.

Alors qu’Ama s’apprêtait à retourner dans sa chambre, pensant que Judith avait besoin de souffler elle aussi, elle s’était arrêtée, surprise par la question que venait de lui poser son amie. Surtout après ce qu’il venait de se passer. « Tu ne retiens donc jamais la leçon Judith ? » Amaya était plus ou moins sérieuse, elle savait qu’il fallait être prudent avec la magie. Mais réciter quelques mots pour ranger la maison ne pouvait pas faire de mal. Ama l’avait souvent fait quand elle était plus jeune, surtout quand ses parents lui demandaient de ranger sa chambre. « Exceptionnellement Judith, que ça ne devienne pas une habitude. » En l’espace de quelques secondes, tout était ordonné, comme si rien ne s’était passé chez Judith. Pas besoin de ménage. La magie pouvait être parfois très utile. « Je vais dans ma chambre. Tout ça m’a épuisé. A tout à l’heure et ne met pas tout en désordre. » Amaya était rapidement partie, s’effondrant dans son lit pour se laisser plonger un sommeil profond.