Stupide sorcier ⊹ Cameron.

Il était rare de voir Judith partir travailler en traînant des pieds. Elle était généralement contente de passer sa journée à la bibliothèque. C'était un endroit où l'humaine se sentait bien. Aujourd'hui, tout était différent. Elle s'était pris la tête avec Cameron, l'un des collègues avec qui elle travaillait le plus, collègue qui était devenu l'un de ses amis. L'humaine qui n'en pouvait plus de toute cette magie autour d'elle alors qu'elle en était privée avait appris que son ami aussi possédait des dons. Bien sûr, Judith n'était pas stupide et elle comprenait qu'il n'ait jamais rien pu lui dire. Là, n'était pas le problème. Le problème était que personne ne cherchait à comprendre ce qu'elle ressentait au milieu de toute cette magie, de toute cette puissance. Elle, petite humaine faible et insignifiante. Personne ne cherchait à comprendre ce qu'elle ressentait, ce qu'elle trouvait fascinant. On la jugeait, on la critiquait, on la trouvait inconsciente ou stupide. C'était tout. Alors lorsque Cameron s'était jouée d'elle en lui faisant espérer un petit tour en éclipse, elle s'était emportée, ne supportant pas une énième leçon de morale. La magie était fascinante et merveilleuse. Evidemment, elle avait ses mauvais côtés. Elle était dangereuse et envahissante. Sa famille avait été de nombreuses fois en danger. Elle aussi. Les attaques, elle connaissait. Mais la magie, ce n'était pas que ça. Et elle n'en pouvait plus des grands discours et des grands airs des sorciers. Ils sauvaient le monde ? Judith les en remerciait comme n'importe quelle personne au courant. Mais est-ce que ça devait vraiment les rendre stupide et agaçant ?

Enfin, elle avait maudit son ami toute la soirée et toute la nuit. Maintenant, elle n'avait plus le choix que de se déplacer jusqu'à la bibliothèque, priant pour ne pas le croiser. Lorsqu'elle eut déposée son manteau et son sac dans le vestiaire, elle se dirigea vers le comptoir. Il était là. Debout. Elle passa alors devant lui, ne lui offrant pas même un regard ou un bonjour, pour aller commencer sa journée de travail bien loin de lui. Rancunière, elle était toujours en colère contre lui. Elle regrettait peut-être certaines choses, mais certainement pas de s'être emportée contre lui ou de lui avoir jeté la vérité à la figure.

Cameron devait aller travailler avec la bibliothèque, il appréhendait un peu de voir Judith. Vu comment ça s’était terminé la dernière fois. Il essayerait de ne pas remettre ça sur le tapis, mais bon il n’avait pas aimé la manière dont la jeune femme lui avait parlé. Elle avait le droit d’avoir des problèmes, mais il méritait un peu de respect. Il avait hésité à lui effacer la mémoire, après tout avec une formule ou un peu de poussière connu des êtres de lumière, il aurait pu le faire. Cependant, ce n’était pas la solution, c’était son amie et il n’avait pas envie de faire ce genre de choses. Il voulait aussi un peu en savoir plus. D’accord, il s’était un peu renseigné de son côté et apparemment elle viendrait peut-être d’une famille de sorcier. Cependant elle n’avait pas de pouvoirs, après tout le monde ne les avaient pas à la naissance. Sa petite amie par exemple avait découvert ses pouvoirs une fois adulte. Il avait peut-être une idée pour Judith en espérant qu’elle accepte de lui parler. Le jeune homme arriva enfin sur son lieu de travail et se dirigea vers sa collègue quand il l’aperçu. « Salut Judith. » Il n’était pas sûr de recevoir une réponse, il regarda autour d’eux, il n’y avait personne donc pas d’oreilles indiscrètes. « Je sais que tu dois encore m’en vouloir et je t’avoue que je n’ai pas apprécié ton attitude. Cependant je veux bien reconnaître mes torts et après cette journée de boulot, j’aimerai t’emmener dans un lieu spécial. » Non ce n’était pas un rencard, en plus il ne l’appréciait pas comme ça, et il était déjà pris. « Je pourrais t’emmener dans un lieu rempli de magie. » Bien sûr, s’il lui proposait c’est parce qu’il se demandait si elle n’était pas sorcière sans le savoir. « Est-ce que ça te dirait que je t’emmène à l’école de magie ? » Au moins c’est un endroit ou tout le monde pouvait se servir de magie à volonté.

Si Judith avait pris soin de soigneusement éviter Cameron, ce dernier ne semblait pas l'avoir compris. Il s'approcha d'elle, la saluant comme il l'aurait fait en temps normal. Imaginait-il réellement qu'elle allait daigner lui répondre ? Elle était en colère après lui, elle lui en voulait. Il l'avait réellement blessé et cette fois-ci, elle ne voulait pas pardonner trop rapidement. La bibliothécaire ne lui offrit donc aucune réponse, espérant que le message soit assez clair et qu'il fasse demi-tour. Sauf que le sorcier reprit la parole, n'oubliant pas de préciser qu'il n'avait pas apprécié son attitude. Elle releva les yeux aussitôt, il la cherchait ? Elle n'eut le temps de rien répondre puisqu'il ajouta qu'il reconnaissait ses torts. Lorsqu'il termina en parlant d'un lieu spécial, Judith se méfia aussitôt. S'il voulait l'emmener dans un coin plus tranquille que la bibliothèque pour lui ôter ses souvenirs ? L'humaine ne se laisserait pas faire. Il était absolument hors de question que l'on joue avec ses souvenirs, il n'avait pas le droit de lui faire ça. Ni lui, ni personne d'autre.

Si Judith lui en voulait toujours, elle était évidemment intriguée par les précisions qu'il lui apportait, oubliant même sa première idée. Ses yeux brillaient sans doute lorsqu'il prononça enfin le lieu où il voulait l'emmener. Judith tentait bien de toujours se montrer en colère, mais il était facile de lire ses émotions sur son visage et ça, elle ne pouvait pas le contrôler. « Si c'est une blague, tu n'es pas drôle Cameron. Pas du tout. » souffla-t-elle, en baissant les yeux pour faire semblant de travailler et de ne pas être trop intéressée par sa proposition. « Tu penses que la balade durera plus de trente secondes cette fois-ci ? » Une petite pique pour bien lui rappeler qu'il l'avait blessé, bien qu'elle, elle ne reconnaissait aucune de ses erreurs. « Je ne suis pas certaine qu'une petite humaine ait le droit de s'y rendre... » si elle tentait de faire passer ça pour une information, il s'agissait plutôt d'une question. Ses parents, en tout cas, n'avaient jamais voulu l'y conduire. Sans doute pour toutes ces bêtises à propos de vouloir la protéger et l'éloigner du monde magique autant que possible. « Et puis, pourquoi tu ferais ça pour moi ? » questionna-t-elle finalement, voulant comprendre ses intentions. Il n'avait pas voulu s'éclipser avec elle quelques minutes, mais il était prêt à l'emmener dans une école remplie de magie et de créatures.

« Je ne plaisanterai pas sur ça. » Surtout pas sur quelque chose d’aussi important que le monde de la magie. Cependant il pouvait comprendre la méfiance de Judith, il faut dire quand elle avait découvert sa vraie nature, ça s’était mal passé. Il avait sans doute ses torts, mais elle aussi, cependant, il garderait ça pour lui. « Si je t’emmène là-bas, ce n’est pas pour rester trente secondes, ce n’est pas la même chose. » Il soupira, mais au fond, il n’était pas surpris par cette pique. « Mais qui te dit que tu n’es qu’une simple petite humaine. » Son amie connaissait le monde de la magie, elle avait compris rapidement qu’il était un être de lumière. « Tu sais, certains ont leurs pouvoirs dés leur naissance, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Pour d’autres ça se manifeste à l’adolescence ou encore à l’âge adulte. » C’est pour ça qu’il n’était pas surprenant que des êtres de lumière se retrouvent avec des protégés déjà adultes. Comme ce fut le cas pour sa meilleure amie, devenue sa petite amie. « Parce que tu es mon amie et j’en ai marre que tu me fasses la tête. Puis au moins à l’école de magie, il n’y a aucun risque que ça dégénère. » Pas de démons ou de mortels et un endroit rempli de magie. « Enfin si tu ne veux pas, ce n’est pas grave, c’est juste une proposition. Tu n’imagines pas toute la documentation que tu peux trouver sur le monde la magie là-bas. » Bien sûr, il n’avait pas tout lu, il en aurait pour des années sinon, mais parfois pour trouver des potions ou des formules, c’était bien pratique. C’était aussi l’occasion de croiser certains de ses amis sorciers. Cameron avait des amis mortels ignoraient la vérité sur lui, mais il avait aussi des amis sorciers.

Judith ne comprenait plus rien au comportement de Cameron. Un jour il lui faisait une leçon de morale sur la magie et l'interdiction de l'utiliser à d'autres fins que lutter contre le mal et l'autre, il voulait la conduire à l'école de magie. Pourquoi voulait-il faire ça ? Elle craignait, évidemment, qu'il se moque d'elle, même s'il affirmait le contraire. La jeune femme tenta même une pique en lui demandant s'il comptait la ramener là-bas pour plus de trente secondes ou non ?

En quoi ce n'était pas la même chose ? Qu'est-ce qui changeait ? En quoi l'école de magie était différente ? Les sorciers étaient entièrement libres là-bas ? Libres d'utiliser leurs dons ? Cameron tentait donc de la convaincre en lui sortant des absurdités qui la faisaient presque rire. « Ah, tu vois que tu commences à croire que j'peux être une affreuse démone ! » l'atmosphère se détendait déjà, Judith ayant presque oublié qu'elle lui en voulait. « Je ne suis pas une sorcière Cameron, ni aucune autre créature magique. J'en connais tant sur la magie parce que j'ai des proches qui possèdent des pouvoirs... » se justifia-t-elle, sans préciser qu'il s'agissait de ses parents et de sa fratrie. « mais j'ai été adoptée Cameron. Je n'ai aucun lien de sang avec ma famille, donc je n'ai aucun pouvoir. Malheureusement pour moi. » elle mettait le secret de sa famille en danger, mais elle lui faisait confiance. Assez pour lui dire que ça venait bien d'eux tout son savoir, pas suffisamment pour lui dire qu'il s'agissait de sa famille proche, même s'il était assez grand pour comprendre. Si certains membres de sa famille avaient des pouvoirs, ses parents en étaient forcément dotés ou leurs enfants si ça avait sauté une génération, non ? Et dans le pire des cas, s'il s'avérait que Cameron avait de mauvaises intentions, ses parents se défendraient et Judith aurait le droit à une nouvelle leçon de morale. « Je suis ton amie ? Tu tiens suffisamment à moi pour chercher à te faire pardonner ! Je suis touchée. » plaisanta-t-elle un sourire moqueur aux lèvres. « Si, bien sûr je veux ! » il avait éveillé sa curiosité en parlant de toute cette documentation, elle qui était passionnée par les livres et la magie, c'était le meilleur endroit pour elle. « Et j'aurais le droit de regarder tous les livres que je veux ? » le questionna-t-elle pour s'en assurer.

« Je ne prendrais pas le risque d’emmener un démon à l’école de magie, je ne suis même pas sûre qu’un démon puisse y aller. » Du moins il n’en avait jamais vu, ce ne serait pas étonnant qu’il y ait des espèces de barrière magique pour protéger l’école. « Tu as été adopté, je comprends. » Ce qui peut aussi expliquer le fait qu’elle ne possède pas de pouvoirs, après ça ne voulait rien dire. Sa petite amie avait bien été adopté par des mortels, alors qu’elle était une sorcière, l’inverse était aussi possible. « Ne sois pas déçu, tu sais être mortel, ce n’est pas si mal, c’est moins dangereux. » Enfin lui il a toujours été entouré par la magie, même s’il a déjà vécu le côté mortel, vu qu’il a vécu une vie semi normale. Déjà le fait que Judith évoque sa famille magique, c’était comme une marque de confiance. « Bah oui tu es mon amie, un peu énervante par moment, mais tu es mon amie quand même. » Il disait ça pour la taquiner un peu, rien de bien méchant. « Oui tu pourras regarder tous les livres, mais à mon avis, il y en a beaucoup trop. » Lire tout était peut-être impossible, ça pourrait prendre des années, mais quelques-uns pourquoi pas. « Tu as des livres sur l’histoire du monde magique. Des livres de sortilèges, de potions, il y a de quoi faire. » Par contre les emprunter, il n’était pas sûr que ce soit possible. Chez lui, il avait la chance d’avoir ce qu’il fallait, une salle secrète, des ingrédients et même un grimoire. Comme ça le jeune homme était prêt à se défendre et combattre les forces du mal. Puis il savait écrire des formules, même si faire des rimes n’étaient pas toujours facile.

La réponse de Cameron intrigua énormément Judith. Les démons pouvaient-ils, ou non, entrer à l'école de magie ? Il serait logique que non, en réalité. Si les démons pouvaient y entrer, ils y entreraient pour y semer la pagaille, non ? « Si j'suis un démon, que je ne le sais pas et que j'essaye de rentrer à l'école de magie, tu crois que j'vais être vaincu par une force magique et invisible ? » Non pas qu'elle s'en inquiétait particulièrement parce qu'elle était persuadée d'être humaine, mais sait-on jamais. Après tout, elle ne connaissait pas ses parents, alors sur un malentendu, elle n'avait pas envie de brûler en Enfer pour une bêtise.

Cameron semblait donc penser que Judith aurait pu être autre chose qu'humaine. Cette dernière lui expliqua donc le pourquoi elle en connaissait tant, dévoilant au passage qu'elle avait été adoptée. Ce n'était pas spécialement un secret, même si elle n'en parlait pas sans raison. Ses parents étaient ceux qui l'avaient élevés, alors elle ne criait pas sur tous les toits qu'elle n'était pas leur fille biologique. Après tout, ça n'avait aucune importance. « Moins dangereux ? Sauf lorsque tu es une mortelle entourée d'êtres magiques ! Dans ce cas, tu es juste une mortelle incapable de se défendre et j't'assure que ce n'est pas agréable et que c'est dangereux. » Avoir des pouvoirs avait des inconvénients, évidemment. Ne pas en avoir, aussi. Il ne fallait pas voir les mortels comme des êtres tranquilles, qui vivaient une vie tranquille, en sécurité et sans problème. Ils étaient souvent la cible des démons et n'avait rien pour se défendre.

« Énervante ? Je pense que tu parles de la mauvaise personne, Cameron. Je ne le suis pas du tout ! » Oh que si elle l'était. Et elle le savait. Et elle l'assumait, aussi. Sauf là, pour plaisanter. En réalité, elle pouvait être agaçante, chiante ou ce qu'il voulait, ça l'importait peu maintenant qu'il voulait l'emmener à l'école de magie. La bibliothécaire en elle, attirée par le monde magique, n'avait qu'une hâte : voir cette grande bibliothèque dont il parlait tant. « J'en feuilletterai autant que possible. » autant qu'il était possible d'en feuilleter dans le temps que lui laisserait Cameron. « J'trouverai peut-être de quoi te lancer un mauvais sort, alors ! » s'amusa-t-elle, oubliant totalement comme elle lui en voulait quelques minutes plus tôt. « J'ai tellement hâte... » souffla-t-elle comme une enfant qui attendait ses cadeaux de noël. « Tu sais Cameron, je crois que tu me fais l'un des plus beaux cadeaux. » et cette fois-ci, pas d'ironie, de moquerie, de plaisanterie. Elle était sérieuse et sincère, chose rare. Elle s'imprégnait du monde magique, elle en apprenait le maximum, se renseignait sur tout, lisait un tas de bouquin. Elle avait assisté à certaines attaques en présence de ses parents, cachée dans un coin, elle avait été présente lorsque certains sorts étaient lancés ou certaines potions créées. Avec Amaya, elle assistait également à beaucoup de magie, mais personne encore ne lui avait permis de se rendre dans un lieu rempli de magie.

« C’est une bonne question, peut être que tu te ferais éjecté dans une autre dimension qui sait ? » Il se mit à rire, honnêtement le jeune homme ne savait même pas ce qui se passerait si un démon franchissait les murs de l’école de magie. Enfin pour lui Judith n’était pas un vilain démon, ou alors c’était une très bonne comédienne. Il devrait peut-être se renseigner sur ce qui pourrait se passer en cas d’intrusion. D’un côté aucun démon n’oserait tenter l’expérience, ça finirait sans doute mal pour lui, il ne fallait pas oublier qu’à l’école de magie, il y avait des tas de sorciers et sorcières bien entraînés, pas que des débutants.

« Tu veux dire que tu es pris pour cible ? Peut être que tu devrais utiliser des potions pour te défendre. » Il connaissait plutôt bien ce domaine, avec son père en plus de l’école, il avait appris l’art de la préparation des potions, bien sûr, il y avait eu des ratés, mais sinon Cameron ne se débrouillait pas trop, enfin quand il connaissait bien la recette. « Il existe tout type de potions, certaines sont un peu plus définitives que d’autres. » Voila pourquoi on n’en donnait pas à n’importe qui, ça ne lui viendrait pas à l’idée de donner une potion explosive à un débutant.

« C’est ce que tu crois. » C’était trop drôle de la taquiner, c’est comme ça qu’il aimait la voir, il préférait qu’elle soit comme ça que boudeuse envers lui. « Tu peux essayer d’en lire des tas et puis si tu n’es qu’une simple humaine, tu n’arriveras pas à me lancer de mauvais sorts ne rêve pas. » Puis même si elle était une sorcière, il savait se défendre et il avait affronté bien pire. « Alors penses à me faire aussi des beaux cadeaux. » Bah pourquoi pas ? Bon d’accord c’était pour rire, c’était bien que ça lui fasse plaisir. « Vivre au milieu d’une famille de sorciers, ça doit être compliqué, l’inverse est vrai aussi. Même si tu n’as pas de pouvoirs, la magie fait partie de ton quotidien, tu as le droit d’en avoir un aperçu. » Il était sincère, Judith avait le droit d’en savoir un peu plus et être préparé au besoin.

Dans un premier temps, Judith eut peur en entendant la réponse de son amie. Puis elle fut rassurée, lorsqu'il se mit à rire. Judith était humaine, elle n'avait pas vraiment de doute là-dessus. Néanmoins, elle ne voulait pas avoir une mauvaise surprise en franchissant les portes magiques de l'école. Elle n'oubliait pas qu'il ignorait tout de sa famille biologique et des surprises qu'elle pouvait lui cacher. « Tu es drôle, dis-donc ! » répondit-elle, en souriant.

Leur conversation devint un peu plus sérieuse. Judith savait et comprenait qu'être un être magique n'était pas facile. Ils étaient pourchassés par les êtres maléfiques, ils étaient confrontés au danger et avaient une sorte de mission. Sauf que ces êtres magiques avaient tendance à oublier - ou à ne pas savoir - ce que c'était d'être un humain. Les humains étaient régulièrement les cibles des démons sauf qu'eux n'avaient absolument aucun moyen pour se défendre et se protéger. « Ça m'arrive, oui. Je suis rarement la cible directe, mais c'est arrivé. » S'en prendre aux humains proches des créatures magiques, c'était pratique après tout. Le moyen de pression par excellence, certainement. Et même sans être la cible directe, en vivant parmi les sorciers, elle s'était retrouvée parfois au milieu de combat, sans aucun moyen pour se défendre. « Peut-être que tu pourrais me donner de quoi me défendre, juste au cas-où ? » Ses parents voulaient tant la protéger de ce monde qu'ils refuseraient directement de lui donner des potions. Ils s'imaginaient bêtement qu'en la gardant loin du monde magique, ils la protégeaient. Sauf que c’était totalement faux. Sa soeur, en revanche, serait sans doute plus partante pour lui donner de quoi se protéger, même si Judith n'avait jamais songé à lui demander.

Cameron reprit la parole pour se moquer d'elle, décrivant quelqu'un que la brune refusait de reconnaître : elle-même. Pour simple réponse, la jeune femme lui tira la langue, comme une enfant. En réalité, elle était bien trop heureuse de la proposition de son amie pour discuter du reste. Pour s'amuser, toujours, elle le menaçait de lui lancer un mauvais sort trouvé dans les nombreux livres de la bibliothèque magique. Tout ce que Judith savait était qu'elle voulait lire le plus de bouquins possibles, en apprendre et en voir le plus possible. Elle voulait profiter du moment parce qu'elle se disait qu'il pouvait ne jamais se représenter. « Nous les humains, on ne peut vraiment rien faire ! » rétorqua-t-elle, pour une fois amusée, lorsque Cameron lui assura qu'en tant qu'humaine elle ne pourrait rien faire.

Plus sérieuse cette fois-ci, elle lui avoua qu'il lui faisait là l'un des meilleurs cadeaux possibles. Elle était rarement sérieuse, mais cette fois-ci, elle l'était. « Je te ferai tous les cadeaux que tu veux ! » Elle lui devait bien ça. Il s'était mis à sa place et ce n'était pas si souvent que ça arrivait. Ce qu'il disait ensuite le confirmait. Il comprenait que la situation de Judith était compliquée comme celle des sorciers vivants parmi les humains. Judith enviait les sorciers, mais elle comprenait leurs difficultés. Elle voulait simplement que l'on se mette à sa place aussi, parfois. « C'est gentil de me dire ça. Je vous envie vraiment vous, avec vos pouvoirs... mais je comprends que votre vie n'est pas simple non plus. » C'était sans doute un peu maladroit, mais c'était sa façon à elle de s'excuser d'être aussi chiante parfois. Encore que lui n'avait eu le droit à son sale caractère lié à sa jalousie des êtres qui possédaient des pouvoirs, qu'une seule fois. Il n'était pas le plus à plaindre, mais il faisait un pas vers elle alors, à sa façon, elle en faisait un.

« J’ai toujours eu beaucoup d’humour. » Pas sûr que ce soit vrai, mais parfois ses blagues n’étaient pas si mal, la preuve si ça faisait rire ceux à qui il les racontait. « Au moins tu es toujours vivante, c’est l’inconvénient de vivre près de la magie. » D’un côté, même quelqu’un qui n’en est pas proche pouvait se faire tuer par un mortel ou être victime d’un accident, au final n’importe qui peut être en danger n’importe quand. « Tu ne penses quand même que je vais te donner des potions ? Tu sais un accident est vite arrivé. En revanche, je peux peut-être t’apprendre à en faire, quelques potions de bases, pas forcément mortelles. » Il ne tenait pas à être responsable d’un accident, puis il ne tenait pas à ce qu’une famille de sorcier lui tombe dessus, il en avait déjà assez avec les démons. Plutôt des potions pour figer, se rendre invisible, pas forcément les plus simple, mais au moins elles ne sont pas dangereuses et leurs effets ne sont que temporaires. « Tu peux toujours avoir un couteau avec toi. » C’était aussi un bon moyen pour se défendre, lui-même en avait utilisé ou du moins retourner l’arme contre l’ennemi, la télékinésie-orbing était bien pratique pour ça.

« Mais si tu peux faire plein de choses, tu sais je ne dépends pas que de mes pouvoirs. » Heureusement d’ailleurs, on ne sait jamais si un jour il les perdait, il avait intérêt à être prêt. « J’ai besoin d’une nouvelle voiture ça tombe bien. » Il laissa passer quelques secondes. « Je plaisante, je ne demande rien en échange. » Il n’était pas quelqu’un de matériel. « C’est bien de le reconnaître, il y a les bons et les mauvais côtés. » Serait-elle en train de lui faire des excuses ? Comme quoi les choses s’arrangeaient.

Il avait raison, au moins, elle était toujours vivante. Mais parfois, elle ne trouvait pas ça suffisant. Vivre au milieu de la magie, sans être un être magique, ce n'était pas facile. Il fallait subir cette magie, subir les attaques, subir les problèmes sans jamais pouvoir jouer un rôle. Un véritable rôle. Alors, elle ne trouvait pas ça amusant du tout. Alors, évidemment, s'il pouvait lui donner quelques potions pour se défendre - ou s'amuser - elle ne dirait pas non. Elle s'imaginait toujours vivre une folle aventure et si elle avait des potions, ce serait encore mieux. « En faire ? Tu ferais vraiment ça ? » Parce que ça l'intéressait et pas qu'un peu. Jamais sa famille ne voudrait lui apprendre ça alors si elle pouvait avoir l'impression d'être utile et d'appartenir à ce monde, elle n'allait pas dire non. Puis, elle ne pourrait rien faire de bien dangereux s'il ne lui apprenait que des potions inoffensives. « Un couteau ? Comme une simple humaine ? Tu n'as pas quelque chose de plus... magique ? » demanda-t-elle en faisant ses petits yeux pour qu'on lui cède - petits yeux qui ne fonctionnaient pas souvent, d'ailleurs. « Mais sans tes pouvoirs, tu es comme tout le monde... » souffla-t-elle parce que c'était vrai, à ses yeux. Avoir des pouvoirs, c'était lutter contre le mal et les démons, sans pouvoir, c'était une chose impossible.

Après sa proposition, elle lui assura qu'il aurait le droit à tous les cadeaux qu'il voulait. « Tu me rassures ! C'est que bibliothécaire, ça ne paye pas assez bien pour que je puisse t'offrir une nouvelle voiture. » s'amusa-t-elle, un sourire aux lèvres, ayant complètement oublié qu'elle lui en voulait. Elle lui fit même quelques excuses. Enfin, des excuses façon Judith, indirectes. Il ne fallait pas rêver non plus. « Tu crois qu'on pourrait partir un peu plus tôt ? Juste comme ça, pour avoir un peu plus de temps à l'école de magie. » Impatiente ? Évidemment.

« Oui bien sûr, enfin si on a le temps, et il faut que tu apprennes avant quels ingrédients il ne faut pas mélanger ensemble et fais moi confiance ce n’est pas si simple. » Lui-même quand il apprenait les bases, il avait un jour fait une erreur et s’était retrouvé projeté contre un mur, par chance il s’était juste retrouvé avec des bleues. Son père s’était inquiété, mais lui avait raconté que c’est des choses qui arrivaient, depuis Cameron était devenu plus attentif. « Tu t’es cru dans Harry Potter ? Je n’ai pas de baguette magique juste mes pouvoirs. » Pas d’objet ensorcelé, lui-même avait déjà utilisé des armes de mortels. On lui avait toujours dit qu’il ne fallait pas seulement se reposer sur ses pouvoirs. « Oui c’est pour ça que je sais aussi utiliser des armes comme les couteaux, on n’est jamais à l’abri de perdre ses pouvoirs. Les démons ou mauvais sorciers cherchent parfois à voler nos pouvoirs. » Du moins son côté sorcier, pour le côté être de lumière c’était plus compliqué, il se disait qu’il aurait toujours la capacité de s’éclipser.

« Change de métier au pire. » Bien sûr, il plaisantait, c’était plaisant son métier actuel, il vaut mieux ça, que faire quelque chose qu’on n’aime pas. « Est-ce que tu penses que ça va être accepté qu’on quitte notre poste plus tôt. Je sais que tu as hâte, mais je n’ai pas envie de perdre mon emploi. » Il était logique, il comprenait l’excitation de son amie, mais rien ne pressait. Il connaissait bien l’école de magie, ça faisait des années qu’il y allait, depuis qu’il était enfant. Dire qu’il allait là-bas et qu’en même temps il avait sa vie de mortel, une vie bien remplie et qui n’était pas si mal.

Judith ne put s'empêcher de sourire à la réflexion de son amie à propos des potions. Allait-il réellement tenir parole et lui faire découvrir ce monde qu'elle aimait tant ? Elle avait passé des heures à observer ses parents, son frère ou sa soeur en train de concocter des potions. Inconsciemment, elle devait donc déjà posséder quelques connaissances, mais elle s'en moquait bien. L'idée seule que quelqu'un accepte enfin de partager une telle chose avec elle lui convenait totalement. De plus, elle était bien loin d'en connaître suffisamment. « Je vais être une élève attentive, tu verras ! » Promit-elle en levant une main comme pour le jurer. Puis elle reprit aussitôt :
« Au pire, si vraiment tu n'as pas le temps aujourd'hui, peut-être que tu pourras m'apprendre une prochaine fois ? Tu sais, on n'est pas obligés de tout faire en une fois. » Pas pressée de découvrir tout ça ? Bien sûr que si ! Sauf qu'elle n'était pas stupide, s'ils ne faisaient pas tout aujourd'hui, elle aurait l'occasion de recommencer ce genre de choses. Il fallait bien penser à tout, non ? A lui après de tenir parole.

Les armes que lui proposaient Cameron étaient si ennuyantes. Elle ne voulait pas se défendre avec un couteau, elle voulait quelque chose de bien plus sympathique, de bien plus magique. « C'est bien dommage ! Vous seriez des sorciers bien plus classes avec des baguettes magiques ! » Rétorqua la brune, amusée. « Tu as raison, mieux vaut être capable de se défendre de plusieurs façons. » rétorqua-t-elle, sérieuse, lorsque Cameron l'informa qu'il était préférable qu'il sache se battre avec différentes armes dans le cas où un démon s'emparerait de ses pouvoirs. Dans cette matière là, on n'en faisait jamais trop.

Par la suite, les deux amis plaisantèrent de ce que Judith devrait offrir à son ami pour le remercier. « Changer de métier ? Il me faudrait tout de même une éternité pour t'acheter ça, sauf si j'ai un énorme coup de chance. » Une éternité, elle exagérait, mais elle n'avait pas les moyens d'acheter une voiture. Alors sauf si par chance elle trouvait un métier bien payé, il allait devoir l'attendre longtemps.

L'impatiente Judith voulait évidemment quitter son poste plus tôt pour arriver à l'école de magique plus vite. Jamais elle ne pourrait reprendre calmement son travail, elle était bien trop impatiente pour ça. « Oh, ils nous aiment trop pour nous renvoyer ! Nous sommes des employés modèles ! » rétorqua-t-elle dans un premier temps, un sourire innocent aux lèvres. « Tu ne peux rien faire ? » Le sous-entendu était plus qu'évident donc elle n'ajoutait rien. « Sinon, je me montrerais patiente, mais il faut comprendre l'effort considérable que ça me demande ! » S'il le fallait, elle allait attendre, mais ce n'était vraiment pas son fort la patience et il était même étrange de la voir si raisonnable. Elle risquait donc d'être plus que bavarde et agitée, mais elle n'y pourrait rien du tout, selon elle.

« Attentive, je demande à voir, car une faute d’inattention, et ça pourrait être un drame. » Ce serait dommage que la pauvre Judith finisse carboniser, à cause d’un mauvais dosage ou en se trompant d’ingrédient. Il n’avait pas envie d’aller rendre des comptes à la famille de celle-ci, il prenait des risques quand même pour lui faire plaisir. « Tu as raison, commençons petit à petit, cela ferait trop d’information d’un coup sinon. » Il l’aimait bien, elle était plus âgée que lui, elle avait ce côté attachant, c’était sa collègue son amie et c’était bien de partager son secret avec quelqu’un sans craindre qu’il soit dévoilé au grand jour.

« Des baguettes, quelle idée ridicule. » Puis se trimballer un bout de bois qui risque de se casser, ce n’était pas son truc. Il existait d’autres moyens de se défendre que les pouvoirs, la fuite était utile et les esquives aussi, savoir être agile était un atout surtout quand on voulait éviter une boule de feu ou bien d’énergie, car ça, généralement ça ne pardonnait pas. « Tu peux toujours tenter la loterie, tu pourrais gagner qui sait. » Bien sûr, c’était encore sur le ton de la plaisanterie, il se demandait si ceux qui avaient le pouvoir de prémonitions pouvait savoir les numéros du loto. D’un côté, ça ne marcherait peut-être pas, connaissant les lois, la magie n’est pas faite pour ses besoins personnels ou un truc comme ça, ce qui était parfois agaçant, mais ça pouvait se comprendre d’un certain point de vue.

« On a toujours bien fait notre boulot. » Il tenait à ce travail, ce n’était pas parce qu’il était un sorcier qu’il n’avait pas le droit de vivre comme n’importe quel autre mortel. « Je ne jetterai pas de sort pour tricher sur notre emploi du temps. » Il avait compris le sous-entendu, il n’était pas idiot. « Arrête d’y penser et le temps passera plus vite. » Voila la seule chose qu’il pouvait lui conseiller.