messed up mind (jules)

La soirée a vu défiler des âmes esseulées comme des âmes sœurs dans le petit bar où il sirote une bière. Lui ferait parti de la première catégorie, abandonné par son partenaire de boisson pour répondre à un appel de l'hôpital où ils travaillent tous les deux. Il est loin d'être un grand buveur, aussi son unique bouteille de la soirée se réchauffe entre ses mains, lui donnant encore moins envie de la terminer. Il aurait aimé parler du retour d'Amaya en ville avec une personne extérieure au cercle familial, s'épancher en blâmant l'alcool, mais il faut croire que ce soir n'était pas le bon moment. Un soupire s'échappe de ses lèvres alors qu'il s'affale dans sa chaise et se saisit de son téléphone, tapant un rapide message à l'attention de celui dont le verre encore plein lui tient compagnie. Tu me dois une bière, Benson. Il hésite un instant à lui rappeler de prendre le temps de se reposer, de prendre soin de lui, puis se ravise pour simplement ajouter un bon courage avant de reposer le téléphone sur la table, frustré.

Les minutes suivantes s'écoulent lentement alors que le breuvage est définitivement abandonné à côté de l'écran qu'il ne quitte pas des yeux. Inconsciemment peut-être, il attend qu'une notification l'illumine pour qu'enfin le tête-à-tête avec son propre reflet dans l'écran prenne fin. L'idée de rentrer lui traverse l'esprit, mais elle est vite remplacée quand, soudain, un amas d'émotions le prend à la gorge. Bien qu'il se soit accoutumé à celles environnantes depuis son arrivée ici, transformées en bruit de fond dans un coin de son esprit, cette nouvelle salve le fait se redresser sur sa chaise comme si on avait tiré sur un fil relié à sa colonne vertébral, dégageant ses poumons alors que son empathie s'emballe en même temps que sa respiration. Julian perd pied un instant, submergé comme il ne l'a pas été depuis longtemps. Chaos, chaos, chaos, chaos. Véritable litanie martelée contre son crâne, il n'arrive pas à mettre un nom sur chacune des émotions qui l'assaillent.

Au prix d'un grand effort de concentration, il identifie la source du problème alors qu'elle passe la porte du bar, drapée dans sa beauté tempétueuse. Il ne fait aucun doute que cette femme est la raison derrière la fâcheuse situation dans laquelle il se trouve ; il pourrait presque voir les émotions suinter de chacun de ses pores, collées à elle comme son ombre. Sa frustration grandit, sauf que ce n'est plus vraiment la sienne. Tout se mélange. Elle. Lui. Eux. Il devrait partir avant que les démons intérieurs de la brune ne l'atteignent totalement. Pourtant, il ne bouge pas d'un iota, les yeux rivés sur cette inconnue qui abrite en elle une tornade et qui s'approche toujours plus, prête à l'emporter avec dans ses tourments sans même qu'elle n'en sache rien.

- Merde.

Consciente du danger provoqué en étant chez elle, face à tout ce qui l'entoure, seule avec ses pensées, c'est s'exiler la solution à laquelle elle pense en premier. Pourquoi pas? Sortir, nourrir ses intestins vides depuis plusieurs heures. Habitude malsaine de ne pas manger, désordre d'ordre psychologique qui la suit depuis trop longtemps. Minceur dont bien des femmes rêves, mais crevasses creusées là où il ne faudrait pas suite au dérèglement du corps de la brune. Hantée par les souvenirs qui sont lointains, ceux d'une famille peu parfaite mais tout du moins fonctionnelle, elle se faufile entre les personnes pour atteindre un endroit précis. Sa tête se bouscule entre l'envie de retrouver ce frère qu'on lui a arraché et celle de tuer quelqu'un dans la rue, ici et maintenant. Elle souffle de découragement alors que quelqu'un lui fonce dessus, faisant d'elle une femme encore plus en colère qu'elle ne l'était déjà.

La mi-démone se persuade d'entrer dans le bâtiment, sans se soucier des autres l'entourant. Le bordel qu'est sa tête reste le sien, à tout du moins, c'est ce qu'elle croit. Jules pose son regard venimeux sur un homme qui ne cesse de la darder depuis son entrée dans le bar, et elle s'assied inconsciemment à côté de lui. "Je peux t'aider, peut-être?" Le dédain dans la voix de l'hôtelière est marquant, l'attitude peu alléchante. Elle n'est pas ici pour se faire une bonne compagnie. Elle veut juste oublier tout ce qui se trame dans sa vie, dans sa tête et dans son esprit.
"Un whisky, sur glaces." Les politesses prennent rapidement la fenêtre alors qu'elle boit pour anéantir cette cacophonie qu'est sa tête, ainsi que ses émotions, qui répondent parfaitement à ce qu'elle pense. Elle voit que l'homme n'a pas cessé de lui jeter un regard étrange, comme si elle était... Comme s'il savait. "Hey, tu permets? J'aime bien être seule dasn ma tête." C'est une blague, évidemment, Qui s'annonce réelle, et suffisamment provocante pour enclencher une réaction chez l'autre. Mais elle ne se rend pas compte, Jules, de l'absurdité de la situation. Elle commande whisky, après whisky, juste pour cesser de ressentir.